exposé : y a t il un consensus politique en GB début 19e ? IB

I B Le difficile consensus de 1832 ou la tentative d'une réforme bourgeoise et contre-révolutionnaire

Depuis leur Glorieuse Révolution les Britanniques sont attachés à leur capacité à évoluer sans heurts profonds ni ruptures avec le passé. Face aux révolutions qui enflamment l'Europe entière, les Britanniques s'accrochent encore plus à leur culture politique du changement dans la continuité. Pour illustrer ce trait de caractère nous allons prendre pour exemple la loi de réforme de 1832 qui, tant par les conflits qui l'ont précédés et suivis que par son contenu même, révèle cette peur de la Révolution.

La loi d'émancipation des catholiques de 1829 précède et prévient l'opposition entre tories et whigs de 1832, entre besoin pragmatique de changement et attachement à l'ordre ancien. L'élection d'O'Connor en Irlande associée à son interdiction de siéger au Parlement, étant catholique, entraine, aux yeux des whigs, la nécessité d'une évolution pour éviter une révolte, tandis que les tories refusent l'adoption de cette égalité juridique.

La réforme de 1832 élargit le droit de vote et double l'électorat britannique, qui comporte ainsi un électeur pour 30 habitants contre 1 pour 200 en France à la même époque. Le texte tente d'atténuer la prépondérance de voix des bourgs pourris et de revaloriser l'Ecosse, l'Irlande ainsi que les nouvelles villes industrielles dans leur nombre de députés. Il donne droit aussi à tous les chefs de famille un tant soit peu aisé des bourgs de voter pour leur conseil municipal : la pratique politique tend donc à s'élargir vers les élites terriennes.

1.Cette réforme semble à première vue satisfaire les réclamations des mouvements radicaux mais elle est en fait utilisée par les whigs pour tuer dans l'oeuf toute amorce de révolution en accordant aux opposants politiques ce qu'ils réclament dans la forme, c'est-à-dire le dialogue et une réforme, pour asseoir le pouvoir aristocrate dans le fond. En effet un loi électorale ayant été promulguée les ouvriers, qui se sentent écoutés, se calment ; ils acquièrent d'ailleurs le droit de vote au niveau local, qui est à leur yeux bien plus important que le niveau national. De plus les députés ne sont pas rémunérés, ce qui n'incite pas les classes moyennes à siéger, l'aristocratie reste donc dominante (70%) à la Chambre des Communes, à court terme du moins.

2.Cette réforme entraine des changements dans la vie politique du pays bien plus important qu'ils n'y paraissaient au premier abord. En effet l'élargissement de la base électorale implique une meilleure représentativité à la Chambre et oblige le Premier Ministre à avoir le soutient de la majorité, qui ne suit plus forcément le choix du Roi. Les partys tories et whigs s'engagent dans une reconstruction basée sur une plus forte implantation locale et sur un véritable mouvement d'opposition au pouvoir en place (chez les tories, totalement opposés à la réforme). Le régime parlementaire bipartiste prend forme. Le rôle du PM est reconnu et populaire, la chambre des Lords perd de son importance, l'administration se fonctionnarise

3.Cette réforme symboliserait donc un consensus national basé sur le dialogue et l'évolution pragmatique, qui satisferait tout un chacun, ce dont sont fiers les britanniques, en comparaison avec les multiples révolutions qui frappent le continent. Mais en réalité le consensus politique n'existe que parmi les élites qui dirigent la vie politique du pays depuis la Glorieuse Révolution et qui n'entendent pas élargir l'accès à ce pouvoir aux classes inférieures. Pourtant, cette grande réforme peut être qualifiée de suicide sur le long terme : elle donne goût et accès à une large part de la population au débat politique et laisse entrevoir des conflits d'intérêts qui vont mettre à mal cette hiérarchie vieillissante. Ce dont nous pouvons être certains est qu'il existe un consensus autour de l'importance du débat politique, quitte à ce que deux partis opposés se forment, opposition dont il ne peut résulter que des mesures de juste milieu, adaptées et progressistes.




citation :
Wellington, 1833 : « the revolution is made, that is to say, that power is transfered from one class of society, the gentlemen of England, professing the faith of the Church of England, to another class of society, the shopkeepers, being Dissenters from the Church »