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Les anticolonialistes en france avant 14

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Message  Lucie Mer 10 Juin - 14:05

Les anticolonialistes en France avant 1914


Le mot est inventé à la fin du XIXe siècle pour fustiger le système colonial, il est ensuite repris par les socialistes ; il n’a donc jamais eu qu’un sens péjoratif.

1- L’anticolonialisme français du temps des Lumières
C’est à cette époque, en réaction contre la traite des Noirs, que se forgèrent les thèses anticolonialistes modernes. Au nom du Droit naturel et de l’égalité des hommes la colonisation et l’esclavage étaient condamnables. De plus, dès cette époque les économistes critiquent le système de production défectueux des colonies. Celui-ci, trop coûteux, ne profite guère à la mère patrie mais en revanche lui retire de laborieux sujets. Les colonies sont de plus sujettes à des frictions et des guerres et, comme les Etats-Unis, sont destinées un jour à s’émanciper.

2- L’anticolonialisme libéral
La politique coloniale est condamnée à l’unanimité par les économistes, à l’exception de Leroy-Beaulieu. Ceux-ci sont fidèles aux critiques du mercantilisme colonial édicté par Adam Smith et les libéraux anglais. Molinari, Passy, Laveleye ou encore Guyot ne cessèrent de critiquer le coût de la colonisation : « De toutes les entreprises de l’Etat, la colonisation est celle qui coûte le plus cher et qui rapporte le moins » Molinari. De plus, investir dans les colonies signifiait réduire les investissements sociaux en France et empêcher la résolution de la question sociale.
Les libéraux souhaitent un rayonnement pacifique et intellectuel de la France dans le monde, ils rêvent d’échanges mondialisés et libres.
Les libéraux ne sont pas qu’attachés à l’économie, ils prônent des valeurs de liberté des peuples et d’humanité. Ainsi, en 1867 Passy, futur Prix Nobel de la paix, crée-t-il La Ligue internationale de la paix.

3- L’anticolonialisme républicain
Les pacifistes et les radicaux, tel l’amiral La Réveillère dénoncent le « système colonial qui est l’asservissement des peuples, aussi anti-économique qu’immoral ». La revue Les Etats-Unis d’Europe est la tribune des républicains de gauche qui dénoncent les conquêtes barbares et clament le droit des peuples à s’appartenir. De même la Ligue des Droits de l’Homme depuis 1889 s’efforce d’établir un régime de justice, d’égalité et de fraternité dans les colonies.
Le Manifeste radical de 1885 condamne la politique de conquêtes, au nom de la fraternité des peuples, au nom du droit des peuples à disposer de soi. Périn passe pour le plus intransigeant des républicains anticolonialistes, il n’est cependant pas opposé à toue colonisation, tant qu’elle est « prudente et sage ». De même Pelletan et Clemenceau sont les plus constants dans leur anticolonialisme mais ils ne désavouent pas la colonisation pacifique à la manière de Brazza. « Qu’est-ce que cette civilisation qu’on prétend imposer à coups de canon ? » (Pelletan).
Tant qu’ils sont dans l’opposition les radicaux dénoncent vivement la politique coloniale de Ferry. Ils dénoncent les scandales coloniaux et son affairisme. Mais dès le ministère Brisson ils votent les crédits pour la pacification du Tonkin et retournent leurs vestes, par patriotisme.
Il reste pourtant dans les rangs radicaux un irréductible : Vigné d’Octon, écrivain. Mais sa violence lui fait perdre son crédit dans le parti.

4- L’opposition des droites à la politique coloniale
Les monarchistes et nationalistes dénoncent la politique colonial dans une volonté d’opposition, mais leur message relève véritablement de l’anticolonialisme.
Les monarchistes libéraux se fondent sur une analyse diplomatique et politique qui préconise le recueillement. Le duc de Broglie les représente. Il faut selon lui se concentrer sur la menace continentale et non pas se disperser dans les colonies. « Tout l’avenir de la France est sur le continent » (Chaudordy).
Après 1899 et Fachoda les parlementaires s’effrayent de l’ampleur des visées du parti colonial qui amènent ruine et danger sur le pays, mais c’est à cette même époque que la droite conservatrice nationaliste rejoint les rangs des colonialistes. Par exemple Déroulède, ardent critique du colonialisme avant cette date, au nom de la Revanche que retarde « la politique de dispersion coloniale », se rallie au nationalisme colonial avec les succès de l’armée française.

5- L’anticolonialisme des socialistes
Dans la période 1880-1905 l’anticolonialisme des socialistes est une transposition de celui des libéraux. Ils font endosser au capitalisme tous les crimes de la colonisation. Tout comme les monarchistes leurs critiques sont avant tout vouées à déstabiliser le gouvernement opportuniste, elles dénoncent donc l’affairisme colonial, les massacres etc. Guesde, Vallès, Rochefort et Vaillant en sont les principales voix.
A partir du Congrès de Romilly en 1895 une critique plus marxiste se développe, condamnant la politique coloniale faite aux dépends de la France prolétarienne et pour le seul profit de la petite France capitaliste. Mais l’anticolonialisme socialiste est surtout inspiré par des motivations individuelles (sens de la justice, expérience coloniale) ou des passions collectives (antimilitarisme, pacifisme) qui peuvent toucher les masses en période de crise.
L’anticolonialisme est relégué au second plan dans la presse socialiste, mis à part dans La Guerre Sociale de Hervé, créé en 1906.
Jaurès est présenté comme le leader du socialisme anticolonialiste, bien que sa pensée a été nuancée à ce propos. Fidèle à Ferry, il est longtemps favorable à la politique coloniale, tant qu’elle est mesurée. Il rallie les socialistes en 1893 et pense que leur rôle est d’imposer une politique coloniale « plus humaine ». Mais le congrès international d’Amsterdam en 1904 oblige tous les socialistes à condamner le colonialisme, ce que Jaurès entreprend de faire, au nom de la paix menacée.
Les socialistes puis la SFIO n’ont jamais réussi à être unis contre la question coloniale. Les avis divergent quant aux moyens de la lutte contre le colonialisme, ainsi que sur la politique à mener s’ils prennent le pouvoir. Les réformistes se prononcent pour la conquête coloniale socialiste : la race supérieure domine mais a des devoirs collectifs. Certains guesdistes prônent l’assimilation , avec des intentions égalitaires. La Ligue des Droits de l’Homme et De Pressensé son directeur dénoncent la violence de la colonisation mais ne réprouve pas la mission civilisatrice. Ainsi, le Parti socialiste n’a pas de doctrine coloniale et voit même son unité se briser contre la question du colonialisme.

6- L’anticolonialisme anarchiste et ouvrier
Les anarchistes sont bien plus tranchés contre la colonisation, « produit du patriotisme et du mercantilisme ». ils condamnent la violence et l’exploitation des prolétaires d’outre-mer. Mais sont épargnés les explorateurs et voyageurs, salués par Reclus comme des civilisateurs. La verve polémique l’emporte sur l’analyse parmi les anarchistes.
Le mouvement syndical diffuse l’anticolonialisme. La Voix du Peuple et La Bataille syndicaliste mènent de violentes campagnes anticolonialistes où la guerre coloniale est associée à toutes les autres guerres, faites au profit seul de la classe patronale et bourgeoise. Les militants s’en tiennent à l’antimilitarisme.

7- Un anticolonialisme chrétien ?
Il y a un faible courant anticolonial chez les catholiques libéraux. Les catholiques ont d’abord critiqué les opportunistes mais leur ralliement à la République les fait aussi accepter la politique coloniale. Certains catholiques libéraux, cependant, mènent campagne contre les abus dont sont victimes les populations indigènes. Un Comité de protection et de défense des indigènes reprend vie grâce à Viollet, mais il passe inaperçu.
L’Eglise n’ose pas critiquer la colonisation


8- Conclusion
Il y a une explosion anticoloniale en 1885 (chute de Ferry) mais ensuite le nombre d’opposants à la colonisation ne cesse de diminuer. En 1892, l’opposition à l’expédition du Dahomey entraîne 177 députés, ils sont 143 contre l’expédition de Madagascar. En 1895 une crise est provoquée par les insuccès coloniaux qui amène à la formation du premier ministère radical de Bourgeois. Avec l’arrivée des radicaux au pouvoir l’opposition faiblit encore, il ne reste que celle des socialistes, contre la politique marocaine, de 1906 à 1912.
Mais ces diverses oppositions, refusant les crédits aux colonies sans demander leur abandon, contraignent les gouvernements à coloniser aux moindres frais et à fermer les yeux sur les exactions des soldats. La chasse à l’impôt dans les colonies devient le but de l’administration. Les dénonciations de la violence coloniale entraînent un assouplissement de la politique dominatrice pratiquée dans les colonies.
L’anticolonialisme libéral au début du Xxe siècle n’est plus invoqué, il est remplacé par les arguments socialistes, qui veulent une politique coloniale plus humaine et généreuse.
Il n’y a pas eu de grand écrivain porteur des protestations anticoloniales, et les clichés de militaires sadiques face à des Noirs suppliciés se voient opposer les images de gloire et de conquête. Les foules accueillent les victorieux militaires revenant des colonies, cependant que les anticolonialistes soulignent l’indifférence et l’ignorance du peuple face à la question coloniale.
Les républicains, contrôlant l’école et la majeure partie de la presse, ont réussi après 1885 à se rallier l’opinion populaire sur la question coloniale grâce au patriotisme, qui fait ainsi ressentir la conquête marocaine comme une « affaire nationale ». Cependant, la poussée socialiste et anarchiste et l’antimilitarisme ont sans doute réussi à renverser la tendance avant la guerre, dans la peur d’une rivalité franco-allemande.

Lucie

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Date d'inscription : 19/10/2008

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