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Les ouvriers

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Message  Admin Mer 17 Juin - 1:14

Les ouvriers

L’atelier et l’usine

- La représentation qu’on donne de la « classe ouvrière » dans la République fait de celle-ci, face à la bourgeoisie, une autre « avant-garde », guidée elle aussi par un messianisme du progrès mais animé du désir de bouleverser la société plutôt que de la changer au rythme mesuré des réformes républicaines. L’image se heurte à une première réalité.
 A la veille de la guerre, il reste difficile en France d’identifier clairement les contours du prolétariat moderne, d’une « classe ouvrière » au sens d’agrégat social, doué d’une « conscience de classe » et destiné par le courant marxiste par la société.
 La France est encore très largement dominée par l’atelier, et le travail est rarement décomposé en tâches parcellaires dans la grande usine.
 Le travail ouvrier reste proche de l’artisanat, dans une société où on a en moyenne 1 patron pour 4,3 ouvriers.
 Les ouvriers à domicile, commandés par un lointain donneur d’ordre, représentent encore 26,3% des ouvriers en 1906.
 Les véritables usines qui dépassent 100 salariés ne regroupent que 24,3% des ouvriers, et en revanche les entreprises de moins de 120 salariés représentent près de la moitié » de la main d’œuvre.
 La population ouvrière, du reste, est loin d’augmenter au même rythme qu’elle connait en Allemagne.
 Le nombre des ouvriers n’a cru que de 17% entre 1866 en 1906.
 En outre, la répartition de la main d’œuvre a peu évolué.
 Les deux tiers des ouvriers sont encore dans les industries traditionnelles : textile, bâtiment, alimentation…
 et seulement 12% se trouvent dans les secteurs de pointe de la deuxième industrialisation : métallurgie, mines, chimie….

- On ne saurait pourtant en conclure à une inertie du profil de l’ouvrier.
 Etre ouvrier n’était dans le premier XIXe siècle qu’une étape dans un cursus professionnel qui pouvait mener à s’établir à son compte.
 Désormais, le processus s’est enrayé, et la vie ouvrière s’impose comme un destin.
 L’ouvrier était souvent un migrant temporaire, un ouvrier-paysan, un travailleur qui pouvait se replier sur le monde rural. La perspective recule et l’ouvrier se fixe dans l’horizon de la ville ou, phénomène nouveau, dans sa banlieue.
 En dépit de la dispersion des travailleurs, des grandes concentrations ouvrières sont apparues.
 L’empire Schneider au Creusot est passé en 40 ans de 9 000 à 20 000 ouvriers.
 Le nombre de mineurs a bondi de 33 000 en 1851 à 150 000 en 1913, dont 135 000 concentrés dans le bassin du Nord-Pas-de-Calais.
 Les nouveaux industriels sont très vite passés à une vitesse supérieure. Renault a 4 000 ouvriers à Billancourt, la Compagnie générale d’électricité, 3 500 à Ivry.

- Autre obstacle à l’unité prolétarienne, la « classe ouvrière » est restée fortement stratifiée, par les compétences les qualifications, les salaires, mais la hiérarchie a sensiblement changé de nature. En haut de l’échelle, on a toujours un ensemble d’ouvriers qualifiés, avec des salaires assez élevés, supérieurs souvent à ceux des fonctionnaires et des employés.
 Ce sont des travailleurs capables d’utiliser des machines polyvalente, ou détenteurs d’un savoir technique complexe, d’un tour de main acquis au fil d’un long cursus de l’atelier.
 Cette « aristocratie ouvrière » échappe mieux aux périodes de chômage, résiste au processus de déqualification imposé par les premières tentatives de taylorisation et change aussi de profil.
 L’ouvrier qualifié n’est plus tant l’ébéniste ou le bronzier parisien que le mécanicien ou le cheminot.
 Mieux syndiqués,
 ils cherchent à faire reconnaitre désormais une nouvelle professionnalisation, acquise dans les nouvelles écoles techniques, comme l’école Diderot fondée en 1872,
 et revendiquent dans des grèves d’un nouveau type une réglementation de l’avancement (les cheminots en 1910).

- Une plèbe d’ouvriers déqualifiés, moins payés, embauchés de façon précaire, constitue encore le gros de la main d’œuvre.
 Mais cette masse ouvrière a changé.
 Il existe toujours un grand nombre de journaliers, de manœuvres, indispensables dans les usines où les tâches de manutention sont importantes parce que l’intégration du processus de travail n’y existe guère.
 Mais une nouvelle catégorie, les ouvriers spécialisés (OS), se développe rapidement au début du siècle.
 Sans qualification précise, ils sont utilisés sur des machines-outils de plus en plus perfectionnés et selon des rythmes de travail qui leur échappent.
 De 1870 à 1906, le travail des femmes, toujours payé deux fois moins que celui des hommes, a augmenté de plus de 30%.
 Employées dans la confection, elles forment aussi la main d’œuvre favorite du sweating-system des grandes villes.
 Elles sont aussi recrutées massivement dans les nouvelles industries dangereuses et polluantes, comme la chimie en banlieue parisienne, ou encore dans les tâches très parcellisées des usines de matériel électrique.
 Une autre main d’œuvre déqualifiée est celle des travailleurs étrangers, hommes jeunes et célibataires, déracinés de leur milieu rural et employés dans les travaux pénibles de la mine et de la métallurgie.

- Dans les usines le travail s’est stabilisé autour d’une durée de onze heures par jour.
 On respecte, en général, le repos hebdomadaire, et certains travailleurs commencent à gouter à la semaine anglaise.
 Mais la diminution du temps de travail qui demeure extrêmement pénible dans des usines surchauffées, polluées, encombrées d’un fouillis de courroies et d’engrenages dangereux, reste une des grandes priorités dont l’importance apparaît dans la campagne des « trois huit » menée par la CGT.

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