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L'école fin XiXe

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Message  Lucie Mer 1 Avr - 18:23

L’école en France avant 1914 : entre intégration et exclusion

L’Ecole est un enjeu fondamental pour la jeune République. En effet, l’éducation est formalisée par et finalisée dans les écoles, et le XIXe siècle croit profondément dans la perfectibilité de l’homme par l’éducation, grâce à l’héritage des Lumières. La scolarisation est donc une nécessité centrale dans le processus de rationalisation de la société et dans le mouvement du progrès. Il ne faut pas non plus négliger l’aspect plus pragmatique qui consiste en l’encadrement des population, à savoir cet ordre devant accompagner le progrès, institué de Guizot à Ferry. L’Etat doit donc jouer un rôle prépondérant dans la scolarisation, autrefois assurée seulement par l’Eglise (et la montée de l’anticléricalisme ne peut que renforcer cette idée), en prenant en charge et en redéfinissant l’institution scolaire jusqu’à produire une enculturation de masse, la transmission d’un savoir normatif qui construit et alimente l’attachement à la République et à la patrie dans toute les classes sociales. Malgré ce désir de scolarisation massive, les lycées et universités demeurent encore à la veille de la première Guerre Mondiale des institutions de classe qui ne s’ouvrent que timidement à des populations qui doivent se contenter de l’éducation primaire. De plus, l’enseignement féminin ne se développe que très difficilement, dans une logique qui relève plus de la lutte contre l’Eglise catholique que d’une réelle volonté d’émancipation féminine.
On distingue donc trois niveaux de scolarisation, de plus en plus élitistes :
l’école qui transmet une culture civique et gère la stabilisation des dynamiques sociales ;
le lycée qui reproduit les élites sociales à travers l’enseignement d’une culture lettrée ;
l’université qui produit les élites intellectuelles en leur transmettant une culture savante.

1-L’école primaire : la transmission de masse d’un savoir civique

Au cours du XIXe siècle la scolarisation primaire augmente d’une manière telle que l’on peut parler d’une scolarisation de masse, déjà établie avant l’obligation scolaire du 28 mars 1882 (loi Ferry), grâce à la loi Guizot de 1833 qui oblige la construction d’une école par commune. Ainsi, seules 159 communes n’avaient pas d’école au moment de la loi Ferry.
L’école est un enjeu important, pris en charge par l’Etat, car elle représente l’avenir de la République : c’est par l’enseignement que peur se légitimer la culture démocratique, républicaine et méritocratique chère aux républicains. Il y a donc une intrumentalisation de l’école par l’Etat, dans le but de former les futurs électeurs de la République et de réguler les conflits sociaux en garantissant la promotion sociale par l’éducation. Car les seules informations, les seuls enseignements véhiculés sont contrôlés par l’Etat et non plus laissés entre les mains des religieux. L’Etat se charge donc de former des enseignants, de laïciser l’école et de produire des programmes scolaires appuyés de manuels largement diffusés. Ainsi l’Etat peut s’affirmer comme le principal agent du système éducatif, en opposition ouverte avec l’Eglise.
L’affirmation de l’Etat laïc contre l’encadrement religieux et clérical se joue pour une grande part sur la scène scolaire. Déjà sous l’Empire, Duruy, ministre de l’Instruction de 1863 à 1869 développe l’enseignement publique au grand dam des catholiques dont Dupanloup, qui le feront démissionner. Duruy crée un enseignement technique, le certificat d’études primaires en 1866 et, le 30 octobre 1867, des lycées publiques pour filles. Cette dernière mesure, qui retire le monopole de l’enseignement féminin à l’Eglise, se met difficilement en application par manque de moyens et de volontés, et doit attendre la loi Camille Sée en 1872 pour devenir effective. Sous la République et l’impulsion de Ferry, l’école primaire devient gratuite le 16 juin 1881 et obligatoire et neutre les 28 et 29 mars 1882. La loi Goblet d’octobre 1886 laïcise les enseignants.
Par delà en continuation avec cette laïcisation se trouve l’objectif d’une enculturation et d’une socialisation politique essentielles à la construction d’une identité nationale comme appuis de la République naissante. Il faut enraciner le nouveau régime en formant des électeurs qui pourront empêcher le retour au pouvoir des notables et des clercs par un vote républicain. « Le monopole de l’éducation légitime est maintenant plus décisif que le monopole de la violence légitime » (Gellner). Contrôler l’éducation des masses populaires signifie contrôler les conflits sociaux et politiques. En 1885, lors d’un discours à Bordeaux, Ferry développe l’idée de construire de nouvelles masses de granit de la République avec les paysans. De plus, un véritable choc culturel se crée autour de la question de la laïcité, qui entre en conflit avec la prédominance naturelle de l’Eglise. En conséquence, l’école doit créer une nouvelle culture de remplacement, laïque et républicaine, fondée sur la morale, l’histoire des grands hommes et l’instruction civique. Le Tour de France par deux enfants, vendu à six millions d’exemplaires, est un exemple de produits de cette nouvelle culture qui voit la massification de la lecture.

2-L’enseignement secondaire, creuset d’une culture lettrée

L’enseignement secondaire reste, malgré un semblant d’ouverture méritocratique, l’apanage des élites. Bien que les discours progressistes font l’éloge de l’éducation comme instrument de promotion sociale, les chiffres parlent d’eux-même pour nuancer fortement ces affirmations. En 1865 2,2% d’une classe d’âge accède à l’enseignement secondaire et 0,9% obtient le baccalauréat et en 1911 ce sont toujours seulement 2,6% et 1,1% ; la progression est infime. On peut cependant noter un net recul de l’enseignement secondaire privé qui passe de 75 000 en 1865 (pour 65 000 dans le public) à 53 000 en 1911 (pour 67 000 dans le public). De plus, ce sont véritablement les élites qui accèdent à l’enseignement secondaire, qui n’est ni gratuit ni obligatoire. Ainsi, seuls 1,3% d’étudiants sont fils de salariés et 13% fils de la petite bourgeoisie, le reste étant formé de haute bourgeoisie et d’aristocratie.
Enfin, le savoir véhiculé tend à former des élites sociales. En effet, c’est toute la culture de l’honnête homme, basée sur l’apprentissage de la culture classique (grec et latin) qui est enseignée et ne fait que renforcer le clivage social. Les républicains ont certes tenté de développer l’enseignement des sciences et des langues vivantes mais les volontés conservatrices, attachées au latin, ont limité la progression de celles-ci.

3-L’enseignement pour les élites et les institutions savantes

Il n’y a qu’un très petit nombre d’individus qui poursuivent leur scolarité jusqu’à l’université ; celle-ci n’étant pas perçue comme l’aboutissement du cursus scolaire mais plus comme l’apanage des intellectuels, dont le rayonnement s’étend tout au long de la deuxième moitié du XIXe siècle. En 1860 il y a 12 000 étudiants dans le supérieur, ils sont 41 000 en 1900. Cette augmentation est due à l’importance accordée à ces élites intellectuelles, depuis la création de l’Université Impériale en 1808 et de la refondation de l’Ecole Normale Supérieure et de l’Ecole Polytechnique à cette même époque. De nombreuses facultés, de sciences politiques, d’économie etc, sont créées au cours du XIXe siècle. En 1886, Liard crée l’école pratique des hautes études, dédiée à la recherche. Mais c’est surtout l’influence allemande qui inspire des visées réformatrices à des intellectuels regroupés autour de la Revue internationale de l’enseignement. Ceux-ci imputent une partie de la défaite de 1870 au sous-développement de l’enseignement supérieur français, somnolent et sclérosé, face aux universités allemandes en pleine expansion. Ce désir de voir se refonder le système universitaire amène à la création d’une nouvelle Sorbonne en 1903. L’enseignement supérieur reste cependant largement à l’écart des masses populaires, réservé à une élite sociale et intellectuelle qui gravite loin du monde ouvrier et paysan du XIXe siècle.

Lucie

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Date d'inscription : 19/10/2008

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