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Les utopies socialistes

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Message  khadija Lun 1 Déc - 2:07

Fiche : Les utopies socialistes de la première moitié du XIXe siècle

Il semble que ce soit Pierre Leroux (1797-1871), philosophe et homme politique français, qui utilisa le terme socialisme pour la première fois en 1831. Il désignait alors tout un courant idéologique qui se développa en France, mais aussi en Angleterre et en Allemagne, dans la première partie du 19ème siècle et qui fut à l’origine des courants socialistes modernes. Profondément ancré dans le vaste mouvement romantique de ce début de siècle, il s’attachait à dénoncer le système capitaliste naissant, et à prôner une égalité véritable par une meilleure répartition des richesses. Ce courant, qui comportait autant de pensées différentes que de penseurs, fut qualifié plus tard par Friedrich Engels de socialisme utopique, en référence aux utopies antérieures comme celles de Platon (La République, L’Atlantide), et surtout de Thomas More (Utopia). Ces derniers proposaient des sociétés idéales sans tenir compte des réalités sociales (Engels leur opposait ainsi le socialisme scientifique de Karl Marx, ou marxisme, basé sur le matérialisme historique, l’existence du prolétariat et la notion de lutte des classes). Mais ces penseurs, aussi idéalistes et divisés qu’ils pouvaient l’être (notamment sur les questions de la propriété, de la place de l’Etat, de Dieu…), furent les premiers à proposer une analyse critique de la société capitaliste qui s’installait alors en Europe occidentale. On notera aussi chez eux la récurrence des expériences communautaire, comme le Phalanstère de Ménilmontant.

I) Les origines et les causes du socialisme utopique.

Les penseurs socialistes de ce début de siècle étaient tous plus ou moins influencés par l’héritage des Lumières sur l’égalité, les libertés et la vie en société en général. Mais, paradoxalement, ils leur reprochaient de n’avoir qu’énoncé des principes sans s’attacher aux résultats. Ces idées convenaient, de par leur inspiration bourgeoise, à la critique de l’Ancien Régime, mais pas à celle du nouvel ordre naissant des révolutions française et industrielle. En effet, tous s’accordaient à penser que la Révolution Française n’était pas achevée, et que l’ordre libéral et bourgeois qui en était issu trahissait ses principes. Ils s’inscrivent ainsi dans la lignée de Jacques Roux (mouvement des Enragés), et surtout de Gracchus Babeuf (Manifeste des Egaux, 1796), qui fut décapité en 1797 pour son utopie égalitariste et son action politique radicale, aux cotés de Sylvain Maréchal, avec la Conjuration des Egaux.
Mais la principale cause de l’émergence de la pensée socialiste résidait bien dans les conditions de vie déplorables des ouvriers, résultant de l’industrialisation et de la mise en place du capitalisme, surtout après 1815. En effet, l’abondance de la main d’œuvre (femmes et enfants), l’usage des machines, et la baisse de la demande due à la fin des guerres napoléoniennes, étaient sources de nombreuses crises économiques et des baisses des salaires, conduisant au paupérisme et à la précarité généralisée : d’abord en Angleterre, puis en France avec les crises successives de 1817-1818 et de 1828-1832.
C’est donc dans ce contexte qu’apparaissent les premières utopies socialistes.

II) Des socialistes et des utopies

En France : - Henri de Saint-Simon (1760-1825) était très attaché à la place de la science dans l’administration de la société. Il proposait de faire évoluer le droit de propriété, qu’il était loin de remettre en cause, vers une répartition « rationnelle », basée sur les capacités de chacun (il s’opposait donc au droit de succession). L’« Etat industriel », dirigé par des intellectuels, artistes, savants, industriels, banquiers etc., avait pour seul but l’exploitation rationnelle et optimale des ressources et l’amélioration rapide des conditions de vie de la classe la plus pauvre, par l’autorité et la hiérarchie. En fait, ce ne fut qu’une partie des saint-simoniens (Pierre Leroux…) qui, refusant de soutenir l’enthousiasme de Saint-Simon pour les industriels, prôna un collectivisme généralisé et l’abolition de toute forme d’appropriation individuelle, proposant ainsi des idées vraiment socialistes.
- Charles Fourier (1772-1837) élabora une utopie socialiste extrêmement précise, où il n’y avait ni recours à l’Etat ni à une quelconque autorité. Persuadé que l’Harmonie humaine et la réalisation du bonheur passaient par l’assouvissement des 12 passions cardinales, il décrivit de manière extrêmement détaillée un lieu idyllique, le Phalanstère, qui devait regrouper 1620 hommes et femmes. Il accordait une grande importance à l’attractivité du travail, qui devait être motivé par les passions de chacun. Cependant, il y conservait la propriété, le produit du capital et l’hérédité car il pensait que les différences entre riches et pauvres étaient nécessaires, car voulues par Dieu.
- Etienne Cabet (1788-1856), avocat, héritier du babouvisme, décrivit dans son Voyage en Icarie (1840) une société communautaire où le « capital social », c'est-à-dire la totalité des biens, était administré par l’Etat. Cet Etat exerçait d’ailleurs un contrôle monopolistique de la production, de la distribution et de la consommation. La monnaie, l’achat et la vente étaient supprimés pour parvenir à « l’égalité sociale la plus complète », et ainsi au bonheur commun.
- Joseph Proudhon (1809-1865) est classé à tort dans les socialistes utopiques, en raison de la radicalité et de la précocité de ses idées (Qu’est-ce que la propriété ?, 1840). Celui que tout le monde considère comme l’inventeur du mouvement anarchiste (mais qui s’inspira notamment de Maréchal) ne proposa en effet aucune utopie où étaient appliquées ses idées (refusa la propriété, en particulier en ce qui concernait les moyens de production, s’opposa à toute forme d’autorité, qu’elle fût étatique ou religieuse, prôna un modèle fédéraliste et mutualiste…). Il adopta au contraire une démarche plus pragmatique, et avant Marx et Engels, il qualifia de socialisme utopique les réflexions de ses prédécesseurs.

En Angleterre : - Robert Owen (1771-1858), riche industriel et philanthrope, préconisa la création de villages de coopération, de taille réduite, où la propriété était abolie. Ces communautés étaient fondées sur une juste répartition du travail et sur des relations sociales harmonieuses. Il donnait une grande importance à l’éducation et au développement des « vertus sociales », en n’accordant ni récompenses, ni punitions.

III) Réalisations expérimentales des projets utopistes et héritage.

Owen obtint des résultats spectaculaires en appliquant ses idées au sein de sa filature de New-Lanark au Royaume-Uni (augmentation des salaires, meilleurs logements, écoles gratuites…), ce qui lui permit d’avoir une certaine influence en Angleterre, et d’être à l’origine de la première loi limitant le travail des femmes et des enfants, en 1819. Mais lorsqu’il se radicalisa et qu’il créa la communauté de New Harmony, dans l’Indiana, ce fut un échec total, apparemment dû à des conflits internes, et il en revint ruiné. A son retour, il donna néanmoins l’élan au mouvement syndicaliste anglais. Toujours aux Etats-Unis, Cabet fonda Icaria et New-Icaria, qui se soldèrent toutes deux par des échecs, dus à des maladies et à des dissensions internes. Quant à Fourier, il mourut sans avoir trouvé les subventions nécessaires à la construction de ses phalanstères… mais après sa mort, plusieurs furent construits par ses disciples (notamment Jean-Baptiste Godin) en Europe, en Algérie, au Texas, et certains sont même encore habités ! Mais pour ce qui est de la société décrite par Fourier, cela se solda par des échecs.Pour ce qui est de Saint-Simon, certains de ses disciples convaincus de l’importance de mettre le monde en valeur, se tournèrent pour la plupart vers le monde des affaires, et c’est à un Saint-simonien que l’on doit le canal de Suez (Ferdinand de Lesseps). Enfin, Proudhon marqua les esprits par sa pensée anarchiste qui se répandit dans les mouvements ouvriers. En outre, en dépit de la vive critique de Marx, elle influença de nombreux penseurs importants comme Bakounine.

Ainsi, les utopies socialistes n’ont pas eu l’impact souhaité par leurs penseurs, du fait de leur hétérogénéité, de leur caractère expérimental, de la proportion encore faible de la classe ouvrière au 19ème siècle... Mais leur influence est indéniable et elles n’en restent pas moins les mères du socialisme moderne, qu’il soit libertaire, communiste, ou encore social-démocrate.

Bibliographie :

Jacques Droz, Histoire Générale du Socialisme: Tome 1, PUF, p 272-454
Friedrich Engels, Socialisme Utopique et Socialisme Scientifique, Aden, 1880, p 48-76
Dominique Desanti, Les Socialistes de l'Utopie, Petite bibliothèque Payot, 1971
Jean Touchard, Histoire des Idées Politiques: Tome II, PUF, 1988, p 550-599
Histoire des idées politiques : Tome I, Armand Colin, 2004, p 144-190
Encyclopédie Universalis, 2005

khadija

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Date d'inscription : 19/10/2008

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