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Les légendes napoléoniennes.

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Message  Vladimir Dim 9 Nov - 17:05

Les légendes Napoléoniennes :

« Le 5 mai 1821, Napoléon s’éteint. L’homme
cède dès lors la place au mythe ».

Décliné en images et en signes immédiatement reconnaissable, Napoléon colonise la mythologie des Français. Ne se réduisant pas à un phénomène historique, Napoléon appartient évidemment à des dimensions mythologiques et légendaires sans cesse renouvelées, remodelé et récupéré. Servi par tous les arts, chanté par tous les génies, mis en scène partout et pour tous, reproduit sous toutes ses formes, Napoléon appartient à l’imaginaire universel.
Astre ou désastre, Napoléon est toujours vivant.
« Lui, toujours lui » chante Victor Hugo en 1829 : le XIXe baigne dans la lumière ou l’oubli de Napoléon.Quand Stendhal entreprend de lui consacrer un ouvrage, il commence par se recueillir : « J’éprouve un sentiment religieux en osant écrire la première phrase de l’histoire de Napoléon. Il s’agit du plus grand homme qui est paru dans le monde depuis César ».
Chateaubriand, ayant plus que tout autre saisi la nature du phénomène Napoléon écrit dans ses Mémoires d’Outres tombes : « Vivant, il a marqué le monde, mort il le possède ». Napoléon a forgé lui-même sa légende, inventant pour l’essentiel la propagande moderne sans les moyens modernes. Son destin fulgurant offre aux romantiques l’incarnation de ses rêves héroïques, de l’énergie et de la quête d’absolu.

1. La légende officielle
La plus grande conquête de Napoléon est d’avoir ravi les cœurs et investi l’imaginaire collectif. En façonnant son image, cette silhouette reconnaissable entre toutes — une redingote grise et un bicorne surmontant deux grands yeux froids et décidés —, le « petit caporal » a conquis le monde. Il est devenu l’emblème de la méritocratie révolutionnaire, le modèle de la volonté de puissance.

En comprenant l’importance de la propagande, Napoléon initie avec génie sa propre légende. Dès la campagne d’Italie, il se préoccupe de son image ; grâce au butin italien, il fonde le Courrier de l’armée d’Italie, la France vue de l’armée d’Italie puis le Journal de Bonaparte et des hommes vertueux. Ces publications, largement diffusées, glorifient les exploits d’un jeune général encore inconnu. Plus tard, la propagande fait de lui l’homme providentiel. En noircissant la situation héritée du Directoire, Napoléon glorifie la confiance et l’ordre qu’il rétablit par ses victoires. Inondant l’Europe, les Bulletins de la Grande Armée imposent la version officielle des combats, modifiant les faits pour donner de l’Empereur l’image du génial stratège qui sait anticiper. Toujours grandioses, les cérémonies qui célèbrent son règne le montrent comme l’incarnation de la fierté et de la gloire nationales. Son image, magnifiée par les peintres (le Sacre de Napoléon Ier de David, les Pestiférés de Jaffa ou le Champ de bataille d’Eylau de Gros) et les sculpteurs (Chaudet érige la statue qui surmontait la colonne Vendôme), sublimée par l’invention d’un emblème (l’Aigle), concourt également à façonner la légende.

Cependant, les défaites et la chute de l’Empereur contribuent au développement d’une contre-propagande spontanée, et en partie d’origine britannique. Corollaire de l’admiration, la légende « noire » antinapoléonienne est partout amplifiée par les ennemis de l’Empire, en France — Chateaubriand dénonce le despotisme, la ruine économique et la sanguinaire saignée démographique européenne —, comme dans le reste de l’Empire — Goya peint le Dos de Mayo, dénonçant les répressions napoléoniennes contre les Madrilènes.

2. Mémorialistes et colporteurs
En 1823 paraît le Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases — qui est l’un des grands succès d’édition du XIXe siècle — et, pratiquement en même temps, les Mémoires pour servir à l’histoire de France des généraux Gourgaud et Montholon, compagnons de l’Empereur à Sainte-Hélène. Les mémorialistes, souvent d’anciens généraux, sont nombreux à s’exprimer alors, à vouloir témoigner sur cette époque de conquêtes et de gloire. Tous exaltent le génie tactique de Napoléon, l’idéal militaire d’ascension qu’il représente, mais aussi et surtout, sa capacité charismatique à exiger l’impossible de ses hommes et à s’en faire adorer.

Les colporteurs, avec des gravures, des peintures et des dessins des fastes napoléoniens ou des scènes de bataille, assurent la postérité de l’Empereur. Les souvenirs des grognards rappellent les grandes victoires et les petites anecdotes flattant l’honneur national, comme le montre Balzac dans le Médecin de campagne. Chansons, poèmes, images de l’Empereur circulent dans le peuple, où l’existence du grand homme est transfigurée à la manière des légendes dorées du Moyen Âge, d’autant que le souvenir de la stabilité économique qu’il avait instaurée crée l’image d’un âge d’or face à la crise et à la cherté régnant aux débuts de la Restauration. Le destin tragique de l’Aiglon émeut. Le retour des restes de Napoléon, en décembre 1845, est l’occasion d’une démonstration de la piété qu’inspire encore l’Empereur, et le peuple accompagne avec ferveur le cercueil à l’église des Invalides où il repose encore.
En 1848, l’élection de Louis-Napoléon, son neveu, à la présidence de la République porte aussi le souvenir de l’Empereur. Et il est facile pour les bonapartistes se référant à Napoléon Ier, de légitimer le coup d’État de 1851 et le retour de l’Empire. Napoléon III est tout entier dédié à la tache de légitimer son pouvoir en référence à son oncle d’Empereur. Il marque du sceau de la dynastie sa légitimité et entretient volontairement un mythe Napoléonien.

3. L’héritage de Napoléon
Comme l’a montré l’historien Jean Tulard, de cette légende napoléonienne naissent des héritages divers, selon la figure de l’Empereur que l’on exalte. Ce dernier laisse d’abord un héritage fondé sur son souvenir direct : les mémorialistes comme les bonapartistes s’inspirent du Napoléon sauveur de la France, homme providentiel qui a rétabli l’ordre et la discipline et redressé l’économie du pays. Il est l’exemple prestigieux qui affermit l’honneur de la France.

Après les désastres militaires, l’invasion et l’abdication, le sentiment national et l’exaltation religieuse se mêlent pour donner une image d’un Napoléon « Antéchrist ». En dénonçant le despotisme, la ruine économique de la France et la folie meurtrière des conscriptions, cette légende noire — qui persiste durant tout le XIXe siècle, parallèlement à la légende dorée — inspire des hommes comme Jacques Bainville, Charles Maurras et Léon Daudet, écrivains de l’Action française.

La légende libérale et républicaine, quant à elle, veut voir en Napoléon plus un soldat de la Révolution unificateur de l’Europe et un fondateur de l’État de droit plus qu’un dictateur antilibéral. C’est ainsi que le décrit l’historien Jules Michelet.

Les romantiques s’enthousiasment pour un Napoléon tragique, enchaîné sur son îlot rocheux de l’Atlantique et modèle d’une génération perdue, comme Julien Sorel, le héros de Stendhal dans le Rouge et le Noir.

Vladimir

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Date d'inscription : 28/10/2008

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