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Bagnes et bagnards (copié collé)

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Message  Admin Mer 17 Juin - 1:12

Les bagnes coloniaux : de l’utopie au risque du non-lieu

- Lieux de peines d’exclusion visant à éliminer autant qu’à éloigner de la France métropolitaine,
 les bagnes coloniaux ont été destinés aux opposants politiques,
 aux condamnés de droit commun aux travaux forcés
 et enfin, sous la Troisième République, aux délinquants récidivistes.

- Les bagnes coloniaux sont nés à la convergence de deux utopies :
 celle de la régénération des individus par le travail,
 celle de la colonisation par l’exil forcé.
 Si ces deux utopies ont pris corps dès l’Ancien régime en suscitant des déportations massives, ces dernières ne relevaient pas d’une politique systématique et il fallut attendre la Révolution pour que la déportation des récidivistes de droit commun soit inscrite dans le premier code pénal français

- Lors de la répression des insurgés de juin 1848 fut envisagée la transportation en Afrique.
 Les grâces prononcées par les commissions judiciaires et militaires firent que la loi du 24 janvier 1850 toucha finalement moins de 500 condamnés, envoyés à Lambessa, en Algérie (près de Constantine)
 Il n’en fut pas de même avec la loi du 8 juin 1850 qui organisait la déportation politique, en remplacement de la peine de mort, abolie par l’article 5 de la Constitution. Plus de 6000 condamnés furent cette fois-ci envoyés en Algérie, tandis que la Guyane en reçu 330.
 Vingt ans plus tard, la répression de la Commune de Paris suscita l’ultime déportation de masse du XIXe siècle : plus de 4500 condamnés furent déportés en Nouvelle-Calédonie.
 Certains d’entre-eux (Louise Michel, Jean Allemane, Henri Rochefort...) purent témoigner d’une autre répression - celle de l’insurrection populaire de 1871 en Algérie - qui provoqua l’afflux en Nouvelle-Calédonie de plusieurs centaines de déportés algériens (Aziz Ben Cheikh El Haddad, Bou Mezrag Mokrani...)

- La mise en application des lois du 27 mars 1852 et du 30 mai 1854 à la transportation des droits communs condamnés aux travaux forcés consacra l’essor des bagnes coloniaux pour les condamnés de droit commun.
 Son effet se fit sentir pendant un siècle.
 De 1852 à 1867, plus de 18 000 forçats furent transportés en Guyane.
 L’objectif était de résorber la population des bagnes portuaires héritiers des galères (Brest et Rochefort ferment en 1858, Toulon en 1873) mais ce nouvel essor ne relevait pas de la seule logique pénale.
 Aucune loi, aucun convoi ne put en effet s’appuyer sur les résultats positifs des précédentes expériences. Lorsque la France entreprend des envois massifs au milieu du XIXe siècle, l’Angleterre cesse les siens sur un constat d’échec. C’est donc bien à une rationalité politique, évolutive et contextuelle, qu’il faut rattacher l’histoire des bagnes d’outre-mer.
- La surmortalité régulièrement constatée en Guyane décida le gouvernement à cesser tout nouveau convoi de condamnés européens à partir de 1867, au profit de la Nouvelle-Calédonie.
 La colonisation pénale de la Guyane reprit toutefois en 1886 avec la loi du 27 mai 1885 relative à la relégation des récidivistes.

- Conçue comme une simple peine accessoire venant s’ajouter à la peine principale, la relégation permettait de transformer de fait une peine légère de prison (elle peut s’exercer à partir d’une condamnation à trois mois d’incarcération) en peine perpétuelle.
 Les colonies voyant d’un mauvais œil cette arrivée massive de délinquants, le Sénat ajouta à cette mesure d’éloignement l’obligation du travail de façon à ne pas laisser les relégués libres une fois débarqués.
 La relégation fut au final - autant que la transportation - un échec.
 La publication du reportage d’Albert Londres sur le bagne de Guyane en 1923 renforça l’opposition grandissante de l’opinion publique à l’égard de cette peine inefficace, jugée trop douce pour les grands criminels, et trop dure pour les petits délinquants d’habitude.
 Les bagnes de Guyane, dès lors, ne furent plus alimentés et les différents camps furent progressivement fermés à partir de 1944.

Après leur fermeture définitive, les bagnes coloniaux ont été à leur tour relégués dans notre mémoire collective. Celle-ci oscille entre un oubli de déni et un imaginaire contrasté qui s’est forgé dans la presse et les témoignages publiés du temps même du bagne. Entre « enfer vert » et « El Dorado », cet imaginaire façonne un non-lieu des bagnes recouvrant peu à peu les singularités de parcours et des expériences vécues. Le récit d’Henri Charrière, Papillon (R. Laffont, 1969), au succès phénoménal, a longtemps cristallisé cette distanciation. Si le contenu de ce livre ne peut être pris aujourd’hui comme source pour l’histoire, sa diffusion est en revanche un objet de réflexion sur la vivacité persistante de cet imaginaire de la punition.


















Le siècle des bagnes coloniaux (1852 - 1953)
Michel PIERRE
- Après la suppression progressive des galères sous Louis XV s’ouvre le temps des bagnes portuaires (Toulon, Rochefort, Brest) désormais voués à l’exécution de la peine des Travaux Forcés.
 Mais quelques décennies plus tard, dans les années 1840, se répand l’idée que la concentration de milliers de forçats regroupés dans quelques arsenaux est
 dangereuse pour la population civile,
 contagieuse pour les ouvriers libres
 et coûteuse pour l’Etat.
 Et à l’exemple des Anglais ayant déporté au XVIIIème siècle, des dizaines de milliers de Convicts vers leurs terres australiennes, Napoléon III décide, au début de son règne, de l’exil définitif de ceux (et de celles) qui bafouent gravement la loi.
 Après avoir hésité sur quelques horizons possibles, le choix se porte sur la Guyane que l’on espère développer grâce à l’afflux d’une main d’œuvre de réprouvés pouvant, de surcroît, trouver dans le travail, le rachat de leurs fautes.

- Dès 1852, des vaisseaux-prisons transfèrent aux îles du Salut puis à Cayenne les bagnards de Rochefort, de Brest puis ceux de Toulon.
 Deux ans plus tard, en 1854, la loi sur la Transportation (1854) organise la peine des Travaux Forcés à accomplir hors du territoire métropolitain et conçue pour ne jamais permettre le retour des condamnés dans la mère-patrie.
 Cette première époque du bagne est celle d’une hécatombe due aux épidémies, à une administration déficiente, à l’absence de soins et aux mauvais traitements.
 Le taux de mortalité (26% de l’effectif en 1856) est tel qu’en 1867, il est décidé de remplacer la Guyane par la Nouvelle-Calédonie comme nouvelle terre de punition à plusieurs mois de navigation des ports français.
 Et c’est vers ces rives lointaines de la France australe que seront dirigés en 1871 les Communards victimes des tribunaux versaillais.

- Au début des années 1880, la IIIème République, soucieuse d’ordre et de loi, juge la Nouvelle-Calédonie peu redoutée des criminels et préfère y attirer des colons libres, dignes de ses richesses.
 La Guyane, de réputation plus sinistre, redevient terre de bagne en 1887, conjointement à l’archipel calédonien pendant une décennie puis, à partir de 1897, comme seule destination des forçats.
 La colonie reçoit même, à côté des condamnés aux travaux forcés (peine le plus souvent prononcée par les Cours d’Assise), une nouvelle catégorie de condamnés relevant de la loi (1885) sur la relégation des multirécidivistes (peine pouvant être décidée par un simple tribunal correctionnel).

- A la fin du XIXème siècle, le système a trouvé sa logique et défini son fonctionnement.
 Une à deux fois par an, les navires Loire transfèrent, par effectif de 600 à 700 matricules, les condamnés rassemblés à Saint-Martin de Ré vers Saint-Laurent-du-Maroni devenu véritable capitale d’un univers pénitentiaire qui compte aussi les Iles du Salut, le camp de la relégation à Saint-Jean-du-Maroni, l’îlot Saint-Louis pour les lépreux, des camps forestiers à l’effrayante réputation, celui de Kourou moins meurtrier et Cayenne où se retrouvent plutôt les forçats libérés mais exilés à vie en Guyane.
 Vie terrible de communautés d’hommes soumis à des travaux dérisoires ou épuisants.
 Société violente où succombent les plus faibles.
 Individus marqués de l’habit rayé rouge et blanc, symbole d’une main d’œuvre quasi-servile, fragilisée par le climat, mal soignée et ne plaçant ses espoirs que dans l’évasion aux tentatives sévèrement punies.

- Il faudra des années de témoignages (tels ceux de condamnés anarchistes au début du XXème siècle), de reportages indignés (tels ceux d’Albert Londres en 1923) et de campagnes de dénonciation (telle celle menée par la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen) pour que la loi sur la Transportation disparaisse du Code Pénal français par décret-loi du Front Populaire en 1938.

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