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L'adhésion de la Turquie

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Message  Lucie Mar 21 Avr - 12:49

L’Adhésion de la Turquie à l’Union Européenne

Plusieurs faits d’actualité ont fait récemment rejaillir un serpent de mer : la question de l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. Ce débat s’inscrit dans le cadre du processus d’élargissement qui désigne les vagues d’élargissement successifs ayant fait croître les Communautés Européennes depuis 1957.
Pour rappel, on distingue généralement 9 étapes dans le processus d’élargissement de l’Union Européenne. Je ne vais pas toutes les énumérer mais il convient de souligner que certaines sont significatives et empruntes d’un symbolisme fort. On pense notamment aux adhésions de la Grèce et de l’Espagne respectivement en 1981 et en 1986 qui après s’être libérées du joug de dictatures militaires choisissent de se tourner vers les communautés européennes. De même le traité d’Athènes de 2003 a débouché sur l’entrée dans l’UE d’anciens pays membres du bloc soviétiques tels que la Hongrie, la Lituanie ou encore la République Tchèque. Ces pays ont donc fait le choix de l’économie de marché et se sont dotés d’institutions démocratiques afin de se soumettre aux exigences des pays membre de l’UE. Ainsi, l’Union Européenne compte à présent 27 membres.

Pour autant, le processus d’élargissement n’est toujours pas arrivé à son terme puisque la Croatie, la Macédoine et la Turquie sont actuellement reconnus comme étant candidats officiels à l’adhésion. Sauf retournement de situation, la Croatie devrait selon toute vraisemblance entrer dans l’UE dans le courant de l’année 2010. En revanche, le dossier turc semble moins avancé en dépit du fait que les négociations en vue de l’adhésion de la Turquie aient débuté le 3 Octobre 2005, à l’instar des négociations croates. Qui plus est, la volonté de la Turquie de participer à la construction européenne est relativement ancienne. En effet, dès 1957, la Turquie , par le biais de son premier ministre avait affirmé qu’elle entendait prendre part aux communautés européennes et qu’elle souhaitait en outre que celles-ci conduisent à la formation d’une unité politique européenne. La Turquie demanda officiellement à être associée la CEE en 1959 et entreprit dans le même temps un changement de sa constitution dans l’optique de faciliter la ratification de traités internationaux en vue d’adhérer à la CEE. Depuis, la Turquie a maintes fois réitéré ses vœux d’adhésion sans grand succès.

Il convient de souligner que la Turquie fait partie de bon nombre d’institutions européennes tels que le Conseil de l’Europe. Elle a également ratifier les différentes conventions européennes des droits de l’homme. De surcroit, d’autres exemples triviaux attestent que la Turquie participe à des démonstrations européennes. C’est le cas du Championnat d’Europe des Nations, de la Coupe UEFA, de la Champion’s League et de l’Eurovision.

Dès lors, comment expliquer les blocages que connait le dossier turc en vue de l’adhésion à l’UE ?
Nous verrons que cette question cristallise de nombreux enjeux.

I La réactualisation d’un dossier complexe

A- Le débat sur l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne relancé par divers faits d’actualités

Plusieurs faits d’actualités ont relancé le débat sur l’adhésion de la Turquie à l’UE. L’élément déclencheur a été la visite de Barack Obama en Turquie au début du mois d’Avril. Le président américain avait à cœur de montrer que les Etats-Unis ne sont pas en guerre contre le monde musulman. Sa visite en Turquie s’inscrivait donc dans la continuité de sa politique d’ouverture à l’égard des pays musulman, initiée le 21 Mars par un message adressée aux dirigeants iraniens à l’occasion de Nowruz. Barack Obama a profité de l’occasion pour renouveler le soutien des Etats-Unis à la candidature de la Turquie à l’adhésion de l’UE. «L'Europe gagne à la diversité de sa composition ethnique, de ses traditions et de ses religions, elle n'est pas diminuée. Les États-Unis soutiennent clairement sa candidature »
Un journaliste du Figaro déplore que l’Union Européenne soit en train de devenir le terrain de jeu de la diplomatie américaine. En effet, selon Ivan Roufiol, les Etats-Unis cherchent à légitimer leur interventions militaires en Irak et en Afghanistan en soutenant le dossier turc, s’immisçant par la même dans les affaires de l’Union Européenne nonobstant également les positions de certains dirigeants Européens.
C’est pourquoi le président français Nicolas Sarkozy a ré-affirmé son opposition à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.
Un autre évènement est venu alimenté la reprise du débat.
En effet, la Turquie, en sa qualité de membre de l’OTAN avait dans un premier temps décidé de s’opposer à la nomination de Anders Fogh Rasmussen au poste de secrétaire général de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Le premier ministre turc Erdogan avait invoqué le fait que l’ex premier ministre danois avait soutenu les caricatures danoises sur le prophète Muhammad. Les Etats-Unis sont parvenus à convaincre Erdogan de revenir sur ses positions et Mr Rasmussen a pu être ainsi pleinement investi au poste de secrétaire général.
Cependant, cet épisode a suscité une vive réaction de la part du ministre des affaires étrangères français Bernard Kouchner qui a changer ses vues sur le dossier turc :

« Moi, j'étais partisan de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne mais j’ai été très choqué de cette pression exercée sur nous. » Il ajoute « l'évolution de la Turquie dans le sens, disons, d'une religion plus renforcée, d'une laïcité moins affirmée, m'inquiète »

L’arrivée au pouvoir d’Erdogan, leader du parti de l’AKP serait donc synonyme de troubles et pourrait remettre en question les avancées du dossier turc. En effet, lorsque Mr Kouchner évoque une baisse de l’affirmation de la laicité en Turquie, il fait référence à la loi réclamée par l’AKP visant à autoriser le port du voile dans les écoles turques. Ce projet de loi avait valu au parti du premier ministre une procédure de dissolution entamée par la cours suprême turc.

Enfin, la résurgence du débat sur l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne pourrait faire l’objet d’une attention toute particulière étant donné les échéances électorales qui arrivent. Jean Marie Le Pen et Philippe de Villiers semblent en effet vouloir faire de la question turque un argument électoral en vue des prochaines élections européennes qui se tiendront le 6 Juin Prochain. Tout deux s’attachent également à condamner l’attitude de Nicolas Sarkozy qu’ils jugent paradoxal. Ce dernier, bien qu’étant opposé à l’entrée de la Turquie dans l’UE, ne s’est pourtant pas résous à mettre un terme aux négociations.

B- L’état d’avancement du dossier turc

En décembre 1999, le Conseil européen a donné à la Turquie le statut de pays candidat. Des réformes considérables ont alors été engagées par Erdogan lors de son premier quinquennat entre 2002 et 2004 : abolition de la peine de mort, renforcement du contrôle civil sur l'armée, amélioration des libertés démocratiques, lutte contre la torture, progression des droits des femmes et des enfants, stabilité de l'économie, diminution de l'inflation, augmentation des échanges avec l’UE et des IDE.

Les négociations d'adhésion ont été ouvertes en octobre 2005, mais par la suite l’action du gouvernement pour faire avancer la Turquie vers les critères d’adhésion s’est beaucoup ralentie.
Or, le dossier d’adhésion ne progresse qu’au rythme des réformes engagées par le pays candidat, financées par des aides européennes de l'ordre de 497 millions d'euros en 2007, elles s'élèveront à près de 900 millions en 2012.
En 2007 a été votée une loi qui ouvre la voie à la récupération par les fondations communautaires non musulmanes des biens saisis par l'Etat depuis 1974, mais elle ne parle pas des biens vendus par l'Etat. De même, fin avril 2008, l'article 301 du code pénal turc a été amendé dans le sens d'une amélioration de la liberté d'expression en Turquie, comme exigée par le dossier d'adhésion à l'UE. L'article transforme l'insulte à la turcité, condamnable de lourdes peines, en insulte à la nation turque aux peines allégées. Pour mettre en cause une personne il faut à présent une autorisation du ministre de la justice. Avant, les milieux nationalistes se servaient de l'article 301 pour dénoncer les écrits subversifs. Pourtant, en 6 mois 47 autorisations ont été données, ce qui montre la participation des autorités à un certain musèlement des critiques internes. De plus, il existe toujours dans le code pénal l'article 277, qui autorise le gouvernement à faire pression sur les médias qui influenceraient la justice en évoquant des procès en cours. Intimidation dénoncée par la Commission.

Cependant, 2008 fut en Turquie l'année de l'Europe. La société civile a montré son attachement à la démocratie et à la laïcité mais la Commission demande à la Turquie à présent de redynamiser les réformes politiques. En matière de liberté d'expression, de droits des communautés religieuses non musulmanes des améliorations sont nécessaires. Le Conseil européen, le 18 février 2008 a listé les priorités de court-terme à réaliser, parmi lesquelles nous pouvons citer la poursuite des réformes de l'administration publique pour plus d'efficacité, de responsabilité et de transparence ; interprétation des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le sens du droit européen et de l'article 90 de la constitution turque ; la lutte contre la corruption ; ratifier le protocole de l'ONU contre la torture ; assurer la liberté d'expres​sion(réviser les condamnations des personnes inculpées pour des expressions non violentes de leur opinion ; assurer la libre pratique et le libre enseignement des cultes minoritaires ; lutter contre toutes formes de violence contre les femmes, incluant les crimes d'honneur ; respecter les pleins droits des syndicats tels que celui de faire grève ; augmenter l'accès à la radio et à la TV dans d'autres langues, aider à l'enseignement d'autres langues que le turc ; réduire les disparités régionales, augmenter l'économie du sud ouest et leurs opportunités sociales et culturelles (kurdes inclus) ; normaliser les relations avec Chypre ; préserver la stabilité macroéconomique. Il reste donc beaucoup de chemin à faire pour que la Turquie se normalise au droit européen et aux règles du marché commun.

Mais au-delà même des efforts prodigués ou non par Ankara pour son adhésion, de nombreux pays membres de l’UE bloquent l’avancée du dossier. Celui-ci comporte 35 chapitres de négociations dont seulement 10 sont actuellement ouverts. Sur ces dix chapitres, concernant des sujets relativement mineurs (science et recherche, 25 (fermé provisoirement) ; statistiques, 8 ; politique d'entreprise, 20 ; et politique industrielle et contrôle financier 32 ; plus récemment, ouverts par Nicolas Sarkozy en décembre 2008 les chapitres 4, liberté de circulation des capitaux, une des quatre libertés fondamentales de l'UE et 10, société de l'information et des médias), 8 chapitres sont gelés depuis décembre 2006, Ankara n'ayant pas voulu ouvrir ses ports et aéroports à Chypre et donc d'appliquer l'union douanière à ce nouveau pays membre, qui n’a jamais été reconnu par la Turquie. Les turcs veulent l’ouverture du chapitre 15 relatif à l'énergie, car des pipelines stratégiques traversent le pays en direction de l'Europe mais le véto chypriote empêche toute avancée. Enfin, le chapitre relatif à la politique économique et monétaire (qui inclut la préparation à l’adoption de la monnaie unique) a vu son ouverture suspendue à la demande de la France, opposée à la discussion de chapitres qui, à terme, impliquent une adhésion pleine et entière de la Turquie.

Nous pouvons donc constater que ces blocages dans l’avancée du dossier ne relèvent pas seulement du ralentissement des réformes du côté turc, mais bien d’une véritable opposition politique ou idéologique de la part des 27 à l’entrée de la Turquie dans l’UE, quand bien même ils lui aient reconnu ce droit quelques années auparavant.

Lucie

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Date d'inscription : 19/10/2008

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