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1848 dans l'éducation sentimentale

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Message  Vladimir Ven 9 Jan - 13:52

1848 dans L’éducation sentimentale de Gustave Flaubert.



L’Éducation sentimentale est tout autant une chronique de 1848 que Le rouge et le noir de Stendhal peut-être une chronique de 1830. L’esprit qui a fait la Révolution de février y est de fait représenté de façon importante par la mise en roman de révolutionnaires actifs et violents et bien sûr de scènes d’émeutes, de journées révolutionnaires, de ces « kermesses horribles et ridicules ». Dans le traitement opéré par Flaubert de ses journées, il y a quelques choses d’original au regard de qu’écrivent Hugo ou Stendhal à propos de 1830 dans la mesure où il transcrit ces journées dans un style réaliste démystifiant de fait un mythe fondateur des Républicains et des socialistes.



"Les tambours battaient la charge Des cris aigus, des hourras de triomphe s'élevaient; Un remous continuel faisait osciller la multitude. Frederic prit entre deux masses profondes, ne bougeait pas, fasciné d'ailleurs et s'amusant extrêmement. Les blessés qui tombaient, les morts étendus n'avaient pas l'air de vrais blessés, de vrais morts. Il lui semblait assister à un spectacle.
Au milieu de la houle, par dessus des têtes, on aperçut un vieillard en habit noir sur un cheval blanc, à selle de velours. D'une main, il tenait un rameau vert, de l'autre un papier, et les secouait avec obstination. Enfin, désespérant de se faire entendre, il se retira.
La troupe de ligne avait disparu et les municipaux restaient seuls à défendre le poste. Un flot d'intrépides se rua sur le perron; ils s'abattirent, d'autres survinrent; et la porte, ébranlée sous des coups de barres de fer, retentissait; les municipaux ne cédaient pas. mais une calèche bourrée de foin, et qui brûlait comme une torche géante, fut traînée contre les murs. On apporta vite des fagots, de la paille, un baril d'esprit-de-vin. Le feu monta le long des pierres; l'édifice se mit à fumer partout comme une solfatare; et de larges flammes, au sommet entre les balustres de la terrasse s'échappaient avec un bruit strident. Le premier étage du Palais Royal s'était peuplé de gardes nationaux. De toutes les fenêtres de la place, on tirait; les balles sifflaient; l'eau de la fontaine crevée se mêlait avec le sang, faisait des flaques par terre; on glissait dans la boue sur des vêtements, des shakos, des armes; Frédéric sentit sous son pied quelque chose de mou; c'était la main d'un sergent en capote grise, couché la face dans le ruisseau. Des bandes nouvelles de peuple arrivaient toujours, poussant les combattants sur le poste. La fusillade devenait plus pressée. Les marchands de vin étaient ouverts; on allait de temps à autre y fumer une pipe, boire une chope, puis on retournait se battre. Un chien perdu hurlait. Cela faisait rire."
L’éducation sentimentale, Troisième partie, p. 315-316,
Gustave Flaubert.

Ainsi que cet extrait le laisse voir, Flaubert par sa description réaliste dessine une masse d’hommes se battant avec une violence voire une cruauté inouïe. Le vocabulaire employé pour décrire les révolutionnaires est celui de la « masse », de la « multitude », le « flot ». Cette assimilation opérée entre la masse et les révolutionnaires va évidemment pour Flaubert dans le sens d’une décridibilisation lorsque l’on sait quelle connotation méprisable peut avoir la foule ou la masse aujourd’hui et encore davantage au XIXe- d’autant plus pour un bourgeois comme Flaubert. Sous la plume de Flaubert, le mot « peuple » (aimé chez Rousseau, chez les socialistes…) acquiert une connotation négative

L’entreprise de démystification est confirmée par l’évocation des marres de sang et de cadavres sur la chaussée qui accentue le caractère violent et sanguinaire de ces évènements révolutionnaires. Le ton est aussi celui d’un certain mépris pour la vie humaine.

Enfin, l’évocation des marchands de vin à la fin de cet extrait ainsi que celle du chien termine la démystification entamée plus haut. En effet, l’évocation de la consommation d’alcool et de tabac des révolutionnaires mène le lecteur à l’idée selon laquelle le combat des révolutionnaires est un combat d’ivrogne, un combat non pas tellement idéologique au nom de la démocratie mais bien davantage un excès d’un peuple foncièrement indiscipliné, le peuple de Paris. + Décalage proche de l’absurde entre la violence et la brutalité des actes révolutionnaires et la préoccupation qui les occupent : aller boire une chope, un bock. + Le rire à propos du chien => dérisoire. + le rire = les révolutionnaires.

Vladimir

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Date d'inscription : 28/10/2008

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