Lucien Herr

Lucien Herr.

« Il fut un des maîtres de notre temps.
Sans doute le plus pur et le plus ardent ».
Charles Péguy.

I. Sa vie son œuvre.
Né à Mulhouse en 1864 dans une famille qui choisit la France en 1870, il fait une carrière scolaire brillante et intègre l’école normale supérieure. Agrégé de philosophie en 1886, il pose d’emblée sa candidature afin de diriger la bibliothèque de l’école de la rue d’Ulm. À ce poste, Herr devient une immense figure de la vie intellectuelle française. Sensibilisant les élèves de l’école, au socialisme, aux droits de l’homme ainsi qu’à la cause Dreyfusarde, il passait pour un homme qui avait tout lu, tout retenu et qui connaissait, sur chaque question et en chaque langue le dernier ouvrage paru.

Politiquement, Lucien Herr est un socialiste sincère. Partisan des « possibilistes » de Jean Allemane pour la défense de la République qu’ils professent notamment durant la crise Boulangiste, ainsi que pour leur refus du centralisme et de l’autoritarisme, il fait ensuite partie des proches de Jean Jaurès. En effet, artisan de la synthèse socialiste (il travaille activement au sein du Groupe de l’Unité socialiste qui aboutit au Congrès du Globe) aux côtés de Jaurès, il participe à la fondation de la SFIO en 1905 mais surtout devient un collaborateur régulier de l’organe de presse du parti, L’Humanité (1904).

Herr se fait connaître par son travail de journaliste engagé qu’il exerce souvent sous couvert de pseudonyme (celui de Paul Breton était le plus courant). Il publie aussi bien des textes académiques et des recensions que des textes politiques dont les plus célèbres sont : « Notre Jeanne d’Arc » dans lequel il place le socialisme dans son héritage (inspirateur de Péguy ?), celui visant Barrès à l’occasion de l’Affaire Dreyfus.

Profondément pacifiste et germanophile, il milite contre la guerre de 1914 aux côtés de Jaurès. Affecté conjointement par la guerre ainsi que par l’assassinat de son compagnon de lutte, il entreprend dès la fin de la guerre de retisser les liens culturels entre la France et l’Allemagne.

II. Sa place dans « l’Affaire ».
Lucien Herr est rapidement sensibilisé à l’Affaire Dreyfus par un son cousin, l’anthropologue et philosophe français- disciple de Durkheim- Lucien Levy-Bruhl. Rapidement, Herr transforme l’école de la rue d’Ulm en véritable citadelle Dreyfusarde avant de tenter de gagner à sa cause l’ensemble des intellectuels.

Le 2 décembre 1897, il n'a pas de doute sur l'innocence du capitaine mais prévoit une rude bataille pour venir à bout « de la résistance désespérée des militaires qui se voient déshonorés et perdus » ; il trouve épouvantable « de savoir non où est le vrai, mais si le vrai l'emportera sur les égoïsmes coalisés ». Il dresse alors les premières listes des intellectuels susceptibles de signer une protestation « contre la violation des formes juridiques au procès de 1894 » et de demander au Parlement « de maintenir les garanties légales des citoyens contre tout arbitraire ».

S'il retient 55 noms importants ou sûrs, il déclenche un mouvement de près de 2000 intellectuels qui font pour la première fois irruption, en tant que tels, dans le champ politique, à travers les listes que publient, en janvier 1898, L'Aurore et Le Siècle. Le 15 février, dans La Revue blanche, L. Herr défie Maurice Barrès qui les dénonce comme des animaux enragés ou décérébrés.

C’est d’ailleurs à l’occasion de « l’Affaire » qu’il participe à la fondation de la « Ligue des droits de l’homme ».

Sources :
*Lucien Herr, journaliste (1890-1905), Simone FRAISSE in « Le Mouvement social » n°92.
*Dreyfus.culture.gouv.fr